Mes exercices favoris pour révéler sa raison d’être

Voici quelques exercices introspectif pour vous guider à faire émerger ce qui vous anime

Maxime de Beauchesne
13 min readFeb 22, 2019

Popularisée par la récente loi Pacte en France (2019), la raison d’être est avant tout un concept qui encourage les entreprises à (re)définir leur rôle dans notre société en exprimant « pourquoi elles existent ».

J’aime la définir comme “l’expression de ce qui est vivant en nous au présent pour nous projeter vers un futur possible et souhaitable” car cela permet de regrouper ce qui nous anime et ou est-ce que nous voulons aller dans le futur. En utilisant le célèbre modèle de Simon Sinek, il est important aussi de préciser que la raison d’être se concentre sur ce à quoi nous souhaitons servir (le pourquoi) plutôt que sur le produit, la prestation ou le service proposé (le quoi).

Quoi qu’il en soit on parle de ce qui nous anime, nous motive et nous guide.

J’ai l’intime conviction que tout projet entrepris possède (au moins initialement) une raison d’être, mais qu’on passe souvent à côté dans le développement de l’entreprise. En effet, j’observe que les aspirations et convictions qui nous animent sont beaucoup plus intuitives que conscientes. Ainsi, en construisant le projet et en le défendant, les entrepreneurs risquent de trop rationaliser pourquoi ils font ce projet. Un des plus beaux retours qui ma été fait dernièrement est venu d’un fondateur de startup :

“J’ai d’abord résister à rentrer dans l’exercice car j’avais peur de dire quelque choses qui allaient me faire prendre consicence que je n’étais pas aligné avec mon projet. Finalement j’ai laché prise et au fur et à mesure que je parlais j’ai compris pourquoi j’avais lancé ce projet en particulier”

Même en tant qu’individus, on nous encourage à penser nos études pour leurs perspectives et notre travail comme une source de revenu, mais on nous invite peu à nous interroger sur ce qui nous anime vraiment. Dans les deux cas, le risque est de développer ou rejoindre un projet qui ne nous correspond pas (ou de moins en moins) et de perdre motivation et énergie dans la durée.

Pour une entreprise pour qui c’est un questionnement plus récent, je pense qu’il peut entraîner une transformation importante uniquement si il se débute par un travail introspectif qui permet de faire ressortir nos motivations et aspirations, avant de se compléter par une réponse plus rationnelle qui la rendra opérationnelle.

C’est pour cela que je suis convaincu de la pertinence et l’importance de l’introspection.

Thank you Simon Migaj (source : Unsplash)

Lorsque j’accompagne des équipes à redécouvrir la raison d’être de leur projet, la première partie de l’atelier est toujours introspective. L’idée est de faire émerger ce qui anime les personnes autour de la table et de le partager en équipe, avant de le formaliser en un document commun.

Dans cet article je vous propose mes exercices favoris pour faire cette introspection

Souvent, pour nos présentations (et autres profils linkedin et pitchs de projet), nous construisons un message assez rationnel et pragmatique. Je propose d’oser le dépasser ! Quand je parle d’introspection, l’idée est de creuser en soi un peu plus loin que ce que nous faisons d’habitude.

Je fais faire les trois premiers exercices presque systématiquement car je les trouve simples, rapides et extrêmement puissants. J’ajoute ici un quatrième qui a l’avantage de pouvoir se faire en solitaire et pour de nombreuses questions. Par ailleurs, ces exercices s’adaptent aussi bien à la recherche d’une raison d’être collective, qu’à une quête de sens personnelle.

Thank you Sean Quinlan (source : Unsplash)

Le dos à dos

30 min-2 personnes minimum
Pour cet exercice, je vous propose de trouver une seconde personne et de vous mettre dos à dos. Ensuite pendant au moins 8 min, chacun votre tour, vous allez répondre à la question :

“Si je pouvais dédier ma vie à quelque chose, qu’est-ce que cela pourrait-être ? Et pourquoi ?”

Chacun son tour, chaque personne répond à voix haute, pendant 8min sans interaction. La seconde personne est là uniquement pour écouter (et peut prendre des notes). Suite aux deux fois 8min, vous pouvez raconter à l’autre ce que vous avez entendu et ce que vous en analysez. L’idée n’est pas tant de redire ce que la personne a dit (ça elle le sait), mais plutôt de lui offrir un point de vue extérieur.

L’exercice se fait dos à dos pour libérer la parole en évitant l’influence du regard où de la posture de celui qui nous écoute. Je propose 8 min car, après de multiples essais, c’est la durée que je trouve la plus efficace. C’est une période relativement courte qui permet de faire l’exercice en une demie heure (écoute + partage), mais suffisamment longue pour faire ressortir des nouvelles choses. Le début de la réponse est souvent déjà réfléchi et assez rationnel, mais plus on avance dans les 8min, plus on rentre en introspection. J’observe régulièrement des moments de silence avant la fin des 8 minutes et ce qui sort ensuite est éclairant. Osez laissez ses silences, ils sont intéressants pour laisser émerger des nouvelles idées. Et si vous bloquez, posez-vous la question “Pourquoi cette réponse ?”, c’est une question infinie qui vous emmènera toujours plus en introspection.
Pour conclure l’exercice en équipe, vous pouvez faire un tour de table durant lequel pour chaque duo, chacun présente en quelques phrases ce qu’il a entendu de la personne écoutée. Ca amène beaucoup de cohésion.

PS : j’ai fait faire cet exercice à des personnes de plus d’une dizaine de nationalités, de tous âges, dans des contextes allant d’une classe d’étudiants jusqu’au comité stratégique d’une grande banque. Alors, même s’il vous surprend un peu… pourquoi pas vous ! Si vous avez plus de temps, j’aime offrir à celui qui écoute la possibilité de poser une question de “relance” au bout des 8 mins et ensuite on repart pour 4 min sans interraction.

Thank you RawPixel (source : Unsplash)

Le Crazy8

15 min-possible en solo
Celui-ci est un exercice de créativité efficace pour faire émerger des idées. Ici je vous propose de le détourner pour que les idées générées vous permettent d’identifier votre raison d’être.

Le Crazy8 invite à imaginer 8 solutions en 8 minutes en repartant toujours d’une page blanche. Dans notre cas, on va associer une contrainte à chaque solution pour vous forcer à aller dans 8 “directions” différentes.

Je pense que le plus efficace est de le faire en direct sans trop réfléchir, donc si vous avez 15min devant vous, faites l’exercice en même temps que vous lisez l’article.

Pour le faire vous avez besoin d’un stylo, d’une feuille A4 que vous pliez en 4 (vous avez ainsi 8 pages blanches) et un minuteur que vous réglez à 1min. Pour la première minute, vous pouvez répondre à la question : Que ferez-vous demain si vous aviez un pouvoir politique ? (Marquez tout ce qui vous passe par la tête).

Au bout de chaque minute, recommencez avec la contrainte suivante. Les contraintes ne s’additionnent pas, vous repartez à chaque fois de zéro. En voici 7 autres : Que ferez-vous demain…

  • si vous lancez un media ?
  • si vous travaillez pour des enfants ?
  • si vous ouvrez un lieu (coworking, restaurant, musée, etc.)?
  • si vous lancez un projet demain et qui doit absolument se finir dans maximum une semaine (avec les moyens que vous avez à disposition aujourd’hui) ?
  • si vous lancez une offre de formation ?
  • si vous créez une application ?
  • si vous avez un budget illimité et une équipe de 1000 personnes à votre disposition pendant 1 an ?

Ensuite vous-pouvez relire vos 8 nouvelles idées et essayer de trouver le liant, si ce n’est de toute, au moins de plusieurs solutions. L’idée est de se rendre compte des points communs de plusieurs solutions. Ces informations sont éclairantes pour identifier votre raison d’être.

La première réaction est souvent que cet exercice est particulièrement efficace pour se rendre compte qu’on arrive facilement à générer des idées.
Pour un individu cela peut aider à challenger une première idée, à se lancer ou à identifier un projet à rejoindre. Pour une équipe, cela peut permettre de diversifier son activité.
Cependant, la principale intention est de vous détacher d’idées déjà construites en vous forcant à aller dans des directions non explorées. Nous avons parfois du mal à nous détacher de notre solution ou idée actuelle pour voir plus loin. En ayant 8 idées au lieu d’une seule, vous pouvez analyser les points communs et identifier plus facilement la raison d’être. Pour reprendre le language de Simon Sinek, vous allez générer 8 “WHAT” pour mieux identifier votre “WHY”. Par exemple, si 5 solutions sur 8 repensent l’éducation, favorisent l’égalité homme-femme, apportent une réponse aux questions migratoires ou encouragent l’engagement au travail, vous avez une belle indication de ce qui vous anime profondément.
Une nouvelle fois, en équipe c’est assez pertinent de partager les résultats pour identifier les points communs et pour voir les idées qui émergent.
Enfin si vous êtes déjà sur un projet et que vous voulez générer des idées plus proches de votre réalité, vous pouvez modifier la question par : “Tout en gardant l’essence de notre projet que feriez-vous demain si…”.

Merci à 傅甬 华 pour la photo (source : unsplash.com)

Les émotions et les besoins derrière

10 min-possible en solo

Cet exercices propose un détour par les émotions pour identifier ce qui nous anime dans notre projet. Je m’inspire directement de la communication non violente (CNV), dont un formateur partagait “Les émotions sont commes les voyants d’un tableau de bord de voiture, elles ne sont ni positives ni négatives, car toutes sont utiles, par contre certaines sont agréables (les voyants verts), d’autres sont désagréables (les oranges ou rouges)”. Un des éléments clés de la CNV est de comprendre quels sont nos besoins personnes dissimulés derrière chaque émotion. Pour le dire rapidement quand nos besoins sont nourris on se sent bien, on ressent de la joie, de la gratitude. A l’inverse lorsque certains sont contraints on ressent de la colère, de la peur ou de la tristesse.

Dans cet exercice je propose de faire le détour par les émotions en proposant une auto-analyse (ou auto-empathie) en trois étapes

  • 1 — Constat — En quoi la situation actuelle de notre société et de notre époque, fait que vous êtes engagés dans votre projet aujourd’hui ? Quel est le constat qui fait que vous vous dites que votre projet à du sens ?
  • 2 — Émotions — Comment est-ce que vous vous sentez quand vous pensez à cette situation ? Quelles émotions est-ce que cela génère de penser à ce constat ?
  • 3 — Besoins — Pourquoi est-ce que vous vous sentez comme ça face à cette situation ? Cela ne génère pas les mêmes émotions chez tout le monde, quels sont vos besoins personnels qui peuvent expliquer que vous vous sentez ainsi ?

Pour faciliter cette réflexion je propose une liste de mots liés aux émotions et aux besoins (elles ne sont évidemment pas exhaustives, mais elles peuvent faciliter la capacité à mettre des mots sur un ressenti)

(La liste des besoins est issu d’un carnet disponible sur le site de CNV Belgique)

Je propose parfois de le faire en donnant uniquement un vocabulaire associé à la colère pour encourager à creuser les frustrations. J’ai notamment observé qu’offrir un espace d’expression et d’analyse de sa colère a été particulièrement intéressant pour de nombreuses personnes qui ne se le permettent pas forcément ailleurs. De plus une fois placée au bon endroit, la colère peut être un puissant vivier d’énergie et si les besoins sont clairement identifiés cela permet de ne pas se placer en “Contre telle ou telle situation”, mais de proposer quelque chose “Pour un besoin, un idéal ou des valeurs”.
Juin 2021 — Pour information, je teste cet exercice depuis un peu plus d’un an. J’ai donc moins de recul que sur les autres et je suis donc particulièrement preneurs de vos retours et idées pour l’améliorer (cette version est déjà un edit).

Thank you Gleen Carstens Peters (source : Unsplash)

L’écriture automatique

10 min-possible en solo

L’écriture automatique est un exercice dont l’objectif est de faire s’exprimer une personne en minimisant l’impact de sa conscience et de sa volonté. Il est notamment utilisé en psychologie.

Ici je vous propose une manière assez contrainte et rapide de le réaliser. Pour ceci, l’idée est de prendre un début de phrase et de l’écrire de nombreuses fois en la clôturant, à chaque fois, par la première idée qui nous vient en tête.

Dans notre contexte, l’objectif est d’écrire des éléments non conscientisés qui vous aideront à identifier votre raison d’être. Un des éléments important est par exemple la question des bénéficiaires. Cela peut être votre client (il s’agit généralement d’au moins un segment de votre client), mais parfois ce n’est pas le cas (par exemple dans le cas de l’enseignement, les bénéficiaires sont les étudiants et le client est l’université). Quoi qu’il en soit, l’idée est de répondre à la question : si je m’écoute vraiment, à qui est-ce que je souhaite vraiment apporter de la valeur ?

Si on veut creuser cette idée, un début de phrase assez simple peut-être :

“Je souhaite apporter de la valeur à…”

Plus vous le ferez longtemps, plus vous irez profondément. Pour vous donner un objectif, vous pouvez choisir un nombre de répétitions, de pages de carnet ou de minutes d’écriture. Pour ma part, je choisi généralement de remplir au moins une page de carnet.
Attention, l’idée n’est pas de marquer “Ce qui m’anime c’est : ” et de faire une liste de tout ce qui vous anime. L’idée est d’écrire à chaque fois le même début de phrase et de clôturer sa phrase par la première chose qui vient en tête à ce moment-là. Si rien ne vient, l’exercice invite même à laisser vide et à recommencer la phrase pour ne pas jamais s’arrêter pendant toute la durée de l’exercice. C’est cette répétition qui vous fera entrer en écriture automatique.
Voici quelques autres débuts de phrase qui peuvent être pertinents pour chercher votre raison d’être : “Ce qui m’anime est de…”, “Ce qui me révolte c’est…”, “Ce qui ferait sens pour moi ce serait de…”, “Je m’épanouirais dans mon activité si…”.
Vous pouvez évidemment imaginer vos propres débuts de phrases (et l’utiliser dans un tout autre contexte que votre recherche de raison d’être).

Une des meilleures manières d’expliquer cet exercice restant l’exemple, en voici un que je viens de faire avec la phrase “j’écris des articles car…” répétée 5 fois.

Voici certains de mes exercices favoris pour creuser un peu au-delà de notre rationnel et faire ressortir nos authentiques motivations et aspirations. J’espère qu’ils vous aideront à trouver la raison d’être de votre projet où dans votre quête personnelle. En tout cas, quelque-soit la méthode, mon conseil est de prendre du temps pour de l’introspection et trouver des moyens qui vous forcent à dépasser ce que vous avez déjà réfléchi, construit et rationalisé.

Osez plonger un peu pour découvrir ce qui vous anime vraiment.

Thank you Jakob Boman (source : Unsplash)

Si vous voulez aller plus loin, je propose ici une structure pour écrire votre raison d’être et pour clôturer, voici une citation que je trouve inspirante sur le pouvoir de trouver ce qui nous anime :

“Il n’y a pas de plus grand pouvoir qu’une communauté qui découvre ce qui compte pour elle.” Margaret Wheatley

Attention à créer un environnement confortable si vous faites le travail en équipe
Avant de conclure cet article, je tiens à dire que si vous faites ce travail en équipe, il est important que tout le monde se sente à l’aise (particulièrement pour le dos à dos et l’écriture automatique). C’est puissant, cohésif et cela peut apporter une nouvelle dynamique de faire cette introspection et d’en partager les résultats ensemble. Pour autant, cela peut être inconfortable et il est important de respecter cela. Une bonne pratique est de laisser la liberté de faire ou non les exercices et de partager ou non les résultats. Si certains expriment un inconfort, vous pouvez aussi modifier les questions pour aller moins profondément en introspection. Pour le dos à dos, cela peut-être : “Qu’est ce qui m’anime dans notre projet ?”. Pour l’écriture automatique : “Ce qui fait sens dans mon travail c’est…”.

Si vous souhaitez échanger sur ce sujet ou un autre, ce sera avec plaisir en me retrouvant ici www.instinkto.fr. Si vous voulez poursuivre avec d’autres lectures voici une sélection d’autres articles liés à ce sujet :

À propos de moi

J’aime me présenter en disant que je suis — profondément Humaniste — pour dire que je suis amoureux de l’humain et que je suis convaincu que si chaque personne faisait ce qui est juste pour elle, alors la société serait plus équilibrée. J’ajoute depuis peu que je suis — Vivant avant tout — pour ne pas me restreindre à une vision anthropocentrée et pour raconter que j’aime questionner ce qui ne l’est plus et pour recréer du mouvement. Je suis père aussi et c’est évidemment une partie importante de qui je suis.
Pour ce qui vous concerne probablement plus, je suis facilitateur et professeur en écoles et universités. Mes sujets de prédilections sont la raison d’être des organisations et les valeurs de l’équipe. J’aime creuser et réfléchir à ses sujets avec l’intention de participer au mieux à l’évolution des organisations pour répondre à l’urgence des enjeux de notre société.
J’ai cofondé Instinkto pour porter plus haut cette raison d’être et j’ai initié Contes à Rendre pour interroger l’influence de nos imaginaires collectifs sur l’entreprise et notre capacité à la faire évoluer.

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Maxime de Beauchesne

Mon fils aura 30 ans en 2050.Je suis en quête de justesse guidé par mes idéaux. Je crois en l'humain mais considère avant tout comme un vivant parmi les vivants